Dans les stations d'épuration collectives (STEP), les eaux urbaines résiduaires[1] sont traitées par voie physico-chimique et biologique afin de réduire leur teneur en matières solides et en polluants avant rejet dans les cours d’eau. Ces traitements génèrent comme déchets des boues, dont la gestion passe aujourd'hui par la valorisation de leur potentiel agronomique ou énergétique en veillant à l’absence d’effets néfastes sur l’environnement et la santé.

Génération de boues de STEP en baisse après une croissance continue

Entre 1994 et 2021, les quantités de boues générées ont quadruplé pour atteindre 54 439 tonnes de matière sèche (t MS). Elles ont ensuite baissé (- 16 %) pour atteindre 45 549 t MS en 2023. La hausse jusque 2021 peut être mise en lien avec l'équipement croissant de la Wallonie en STEP, dont la capacité épuratoire nominale installée[2] est passée de 1 384 740 équivalents-habitants (EH) en 1994 à 4 127 033 EH en 2023 q. La baisse des quantités de boues générées en 2022 et 2023 serait liée à divers facteurs selon la Société publique de gestion de l'eau (SPGE) q : dégâts aux STEP de Wegnez et Goffontaine suite aux inondations de 2021, rénovation de certaines STEP (Trivières et Boussoit…), génération de boues plus faible en 2023 en raison de précipitations abondantes (déversement des bassins d’orage sans passage par une STEP).

À terme (objectif de 4 462 733 EH[3] de capacité épuratoire nominale, contre 4 127 033 EH en 2023), la production de boues devrait atteindre 56 000 t MS/an selon la SPGE.

Génération de boues de stations d’épuration collectives (STEP) en Wallonie

Génération de boues de stations d’épuration collectives (STEP) en Wallonie

Génération de boues de stations d’épuration collectives (STEP) en Wallonie


La valorisation en agriculture est préférée à la valorisation énergétique

Les boues sont destinées à deux filières de valorisation[4] :

  • la valorisation en agriculture[5], qui se justifie par leur teneur en éléments fertilisants (N, P, Mg, Mn...), en matière organique et en valeur neutralisante du fait du chaulage ;
  • la valorisation énergétique[6], qui tire profit de leur teneur en carbone par co-combustion dans des unités de valorisation énergétique de déchets ménagers résiduels, des cimenteries ou des centrales thermiques au charbon (Allemagne). Dans le cas des cimenteries, la matière minérale contenue dans les boues (30 à 50 % du poids de matière sèche) est également valorisée par incorporation dans le ciment.

La valorisation en agriculture nécessite que les caractéristiques des boues (pH et teneurs en micropolluants p. ex.) et leurs conditions d’utilisation (stockage, épandage…) respectent les exigences réglementaires destinées à protéger l’environnement et la santé : (i) autorisation de commercialisation de l’autorité fédérale (SPF Santé publique, sécurité de la chaîne alimentaire et environnement, selon l’AR du 28/01/2013 q), (ii) certificat d’utilisation des boues tenant compte des capacités des sols récepteurs (SPW ARNE, selon l’AGW du 12/01/1995 q)[7] et (iii) Programme de gestion durable de l'azote en agriculture (PGDA)[8]. Ces dispositions visent à contrôler la qualité des boues épandues, à réduire le risque de transmission d'agents pathogènes, à éviter l'accumulation d'ETM dans les sols et leur transfert vers les plantes et à limiter les flux d'azote depuis les sols agricoles vers les eaux de surface et souterraines.

La valorisation énergétique nécessite que soient traités les gaz de combustion pour que les normes d'émissions liées à l'incinération ou co-incinération des déchets soient respectées. La charge en polluants organiques et minéraux de ces gaz dépend du type de four et des températures de combustion.

Du point de vue de la hiérarchie des modes de gestion des déchets, la valorisation en agriculture (considérée comme du recyclage) est préférée à la valorisation énergétique q. Elle est aussi généralement moins coûteuse : en moyenne 47 € par tonne de matière brute (t MB) pour la filière agricole contre 135 €/t MB pour la filière énergétique en 2024 selon la SPGE[9]. Des critères de qualité des boues q et de proximité entre installations de traitement et lieux de valorisation interviennent également dans le choix de la filière. Les boues de mauvaise qualité sont d'office incinérées avec valorisation énergétique.

Les boues de STEP sont presque toutes valorisées

En 2023, 72 % des boues de STEP générées en Wallonie ont été valorisées en agriculture, 28 % ont été valorisées énergétiquement. Les filières d'incinération (avec et sans valorisation énergétique[10]) se sont développées dès 1999 en Wallonie, suite à la perspective d’interdiction d’élimination par mise en centre d’enfouissement technique (CET), interdiction entrée en vigueur dès le 01/01/2007 pour tous les déchets dits non ultimes (ni recyclables, ni valorisables énergétiquement) q. La hausse de la part prise par la valorisation en agriculture dès 2008 s'explique notamment par son moindre coût. La baisse des quantités valorisées en 2022 et 2023 est liée à la baisse de production de boues.

Gestion des boues de stations d'épuration collectives (STEP) en Wallonie

Gestion des boues de stations d'épuration collectives (STEP) en Wallonie

Gestion des boues de stations d'épuration collectives (STEP) en Wallonie

* Au cours de la période 2017 - 2023, l’incinération avec valorisation énergétique est passée de 97 % à 100 %, l’incinération sans valorisation étant passée de 3 % à 0 %. Pour les années antérieures, les données désagrégées ne sont pas disponibles.

* Au cours de la période 2017 - 2023, l’incinération avec valorisation énergétique est passée de 97 % à 100 %, l’incinération sans valorisation étant passée de 3 % à 0 %. Pour les années antérieures, les données désagrégées ne sont pas disponibles.


Plus d'épandages de boues de STEP en régions de grande culture

En 2023, 145 communes (soit 55 % des communes wallonnes) ont fait l'objet d'au moins un épandage. Pour 130 d'entre elles (soit 50 % des communes wallonnes), cela concernait au maximum 5 % de la superficie agricole utilisée (SAU) communale.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer les différences observées entre communes : (i) les communes situées en régions de grandes cultures (Région limoneuse, Région sablo-limoneuse et Condroz) sont plus susceptibles de recevoir des épandages que celles des régions spécialisées en élevage (Région herbagère, Ardenne, Haute Ardenne) q, (ii) les communes dont les sols présentent des teneurs plus élevées en éléments traces métalliques (ETM) (Plombières p. ex.) et celles présentant davantage de superficies sous restrictions (zones de protection de captage, zones Natura 2000 et autres zones bénéficiant d'un statut de protection) ne font pas ou peu l'objet d'épandages de boues de STEP, (iii) des facteurs logistiques peuvent également intervenir (proximité d'une STEP, capacité de production…).

Valorisation en agriculture de boues de stations d'épuration collectives (STEP) en Wallonie (2023)

da94ca30-d4fb-4d03-9cff-c59a54e43923


Des mesures temporaires pour gérer la présence de PFAS

Un audit a été réalisé au printemps 2024 pour évaluer les concentrations en PFAS dans les rejets de STEP et les boues produites q. La majorité des échantillons de boues (95 % des 77 échantillons provenant des 63 STEP dont les boues sont valorisées en agriculture) ont montré une concentration maximale de la somme des 27 PFAS analysés inférieure à 40 µg/kg MS. Parmi les 5 % d'échantillons restants, la concentration maximale observée (somme des 27 PFAS) était de 85 µg/kg MS.

Des mesures temporaires, d'application depuis le 01/01/2025, ont été prises par le Gouvernement wallon[11] : limitation des doses d’épandage à 6 t MS/ha au lieu de 12 sur une période de trois ans quel que soit le type de culture, établissement de valeurs cibles (40 µg/kg MS pour 6 PFAS prioritaires et 400 µg/kg MS pour la somme de 22 PFAS), réorientation des boues vers la valorisation énergétique en cas de dépassement de ces valeurs, suivi étroit des STEP pour lesquelles les valeurs sont dépassées deux fois consécutivement... Par ailleurs, diverses mesures sont mises en place par la SPGE : identification et élimination de toutes les sources potentielles de PFAS au sein des réseaux wallons d’assainissement, lancement de recherches en matière de traitement d’eau permettant de détruire les PFAS, monitoring permanent de la qualité des eaux usées. 
 


[1] Eaux ménagères usées ou mélange des eaux ménagères usées avec des eaux industrielles usées et/ou des eaux de ruissellement (directive 91/271/CEE q).

[2] La capacité épuratoire nominale installée correspond au pouvoir épuratoire maximal journalier de l'ensemble des STEP présentes sur un territoire. C'est une capacité épuratoire théorique, exprimée en équivalents-habitants (EH). Un EH correspond à la charge organique biodégradable ayant une demande biochimique d'oxygène en cinq jours (DBO5) de 60 g d'oxygène par jour.

[3] Estimation de la SPGE au 31/12/2023.

[4] Le décret du 09/03/2023 q définit la valorisation comme "toute opération dont le résultat principal est que des déchets servent à des fins utiles en remplaçant d'autres matières qui auraient été utilisées à une fin particulière, ou que des déchets soient préparés pour être utilisés à cette fin, dans l'usine ou dans l'ensemble de l'économie".

[5] Il s'agit en réalité de recyclage selon le décret du 09/03/2023 q, défini comme "toute opération de valorisation par laquelle les déchets sont retraités en produits, matières ou substances aux fins de leur fonction initiale ou à d'autres fins, en ce compris le retraitement des matières organiques, mais à l'exclusion de la valorisation énergétique, la conversion pour l'utilisation comme combustible ou pour des opérations de remblayage".

[6] Récupération de l’énergie produite par l’incinération de déchets, pour autant que le rendement énergétique atteigne un certain niveau.

[7] À l’AR du 28/01/2013 q et à l’AGW du 12/01/1995 q s’ajoutent certaines exigences imposées par les autorités fédérale et régionale via les certificats, p. ex. le chaulage des boues et un pH > 9 avant épandage, qui garantissent l’absence de germes pathogènes, ou le suivi de paramètres supplémentaires.

[8] Voir le PGDA q et la fiche d’indicateurs qui lui est consacrée q.

[9] Moyennes des coûts rapportés par les 7 organismes d'assainissement agréés en Wallonie (AIDE, inBW, IDEA, IDELUX Eau, IGRETEC, INASEP, IPALLE).

[10] Depuis fin 2019, il n'y a plus d’incinération sans récupération d’énergie en Wallonie. q

[11] Circulaire du Ministre Coppieters du 10/10/2024 relative aux substances poly- et perfluoroalkylées (PFAS) ajoutant des conditions particulières au certificat d'utilisation des boues tel que réglementé par l'AGW du 12/01/1995 q.

Évaluation

f7151633-2a88-42a3-b267-3b66bee5483f Etat favorable et tendance à l'amélioration

Favorable
  • Référentiel : décret du 09/03/2023 q transposant notamment la directive 2008/98/CE q - principe du respect de la hiérarchie des modes de gestion des déchets sous réserve de faisabilité technique, de viabilité économique et de protection de l'environnement. Le risque éventuel de pollution diffuse (polluants non suivis ou émergents p. ex.) n'est pas considéré dans cette évaluation.
  • En 2023, 45 549 t MS de boues ont été générées dans le cadre du traitement des eaux urbaines résiduaires, dont 72 % ont été valorisées en agriculture et 28 % sous forme énergétique.
En amélioration

Entre 1994 et 2023, le taux de valorisation des boues de STEP (valorisation en agriculture et valorisation énergétique) est passé de 76 % à 100 %. La part de la valorisation en agriculture, préférée en tant que recyclage à la valorisation énergétique selon la hiérarchie des modes de gestion des déchets, est passée de 76 % en 1994 à 72 % en 2023. Dans le même intervalle, la valorisation énergétique est passée de 0 % à 28 %. L’élimination en CET, interdite en 2007, est quant à elle passée de 24 % à 0 %. Le risque éventuel de pollution diffuse (polluants non suivis ou émergents p. ex.) n'est pas considéré dans cette évaluation.